Les débuts
La marque anglaise, historiquement associée à la ville de Coventry dans les Midlands en Angleterre, est connue dans le monde entier comme l'un des emblèmes du savoir-faire britannique. Elle doit pourtant son nom à un allemand : Siegfried Bettmann. C'est ainsi qu'en 1884, à l'âge de 20 ans, il monte sa première entreprise seulement quelques mois après son arrivée en territoire britannique : S. Bettmann & Co. Import Export Agency, qui deviendra la Triumph Cycle Company deux ans plus tard. Celle-ci consistait, bien loin du glamour des automobiles sportives, à acheter des vélos et des machines à coudre qu'il revendait ensuite sous son nom.
L'ancêtre des voitures Triumph
Image : Triumph Bicycle Museum
Mais Bettmann ne resta pas longtemps seul à la tête de cette petite entreprise bientôt grand constructeur automobile. En 1887, il fut rejoint par un compatriote allemand, Moritz Schulte, qui, par son influence sur Bettmann va jouer un rôle majeur dans la direction que prendra Triumph.
Les premiers véhicules Made in Triumph
Sous les impulsions de Schulte, Bettmann investit - avec un apport de Dunlop - dans la production de bicyclettes, là où il se cantonnait pour l'instant à l'achat-revente. En 1889 son premier vélo sort d'usine. Une dizaine d'années plus tard, l'entreprise commence à produire ses premières motocyclettes - des bicyclettes équipées de moteurs belges Minerva.
Une motocyclette Triumph de 1903
Image : Your Triumph Motor Cycles Specialist
A l'orée de la première guerre mondiale, la production est bonne mais c'est avec le déclenchement des hostilités que l'entreprise va véritablement exploser. Les motos Triumph sont en effet plébiscitées par l'armée britannique - à plus de 30 000 exemplaires - et la marque y acquiert la réputation de produire des véhicules robustes et de bonne qualité.
Ce n'est qu'en 1923 que Triumph décide de produire ses premières automobiles. Les modèles du début, classiques, peinent à séduire et la marque mise au fur à mesure sur des voitures de plus en plus modernes et luxueuses. On les dote ainsi d'essuie-glaces, de phares de marches arrières, on innove en matière de freinage, on y ajoute la direction réglable, plaçant Triumph comme l'un des constructeurs les plus luxueux de l'époque.
La Triumph Gloria (1934-1938) à la pointe du luxe
Image : Don Kirby Photographer
Mais le marché automobile ne va pas bien suite à la crise économique de 1929 et les ventes stagnent. Malgré le fait que la marque rivalise avec les plus grandes voitures de sport de l'entre-deux guerres, les prix sont trop élevés. Sa Dolomite notamment, dont un modèle fut imaginé - et conduit - par Donald Healey (celui qui développera l'Austin Healey), atteint les 180km/h en pointe mais aussi une valeur stratosphérique de 1125 £, qui correspondrait aujourd'hui à plusieurs centaines de milliers d'euros. La clientèle se fait rare et en 1936, Triumph se voit obligée de se séparer de sa branche motocyclette pour survivre. Celle-ci deviendra la Triumph Engineering Co. Ltd, aujourd'hui florissant constructeur de motos anglaises.
La Dolomite straight 8 n'aurait été produite qu'à 3 exemplaires
Image : Richard Langworth
Après la guerre de 39-45 : se reconstruire
En 1945, la marque est quasi-fantomatique. Ses sites de production ont largement été bombardés par les forces de l'Axe, empêchant ainsi la firme de fournir l'armée alliée et d'ainsi augmenter son chiffre d'affaires en participant à l'effort de guerre.
Elle est alors rachetée par Sir John Black, directeur de la Standard Motor Company (qui produisait alors les moteurs de tracteurs Massey Ferguson). La période d'après-guerre n'est pas très novatrice, à l'image des débuts automobiles de Triumph, mais, apprenant des erreurs du passé, la firme se tourne vers la production de berlines. Il n'y a alors, semble-t-il, plus de réelle volonté de renouer avec ou le sport automobile ou le luxe.
Le moment Triumph
Pourtant, en 1948, c'est avec un roadster que Triumph renoue avec le succès. La TR1 permet de percer sur le vaste marché américain et inaugure par là une lignée de sportives renommées : les TR. Ainsi la TR2 continue sur sa lancée : plus rapide, plus moderne que la MG TD mais aussi moins chère que la Jaguar XK 120. Triumph propose alors des véhicules de qualité, et avec un bon rapport qualité/prix. En 1956, Standard-Triumph sort la TR3, qui sera dotée l'année suivante de freins à disques avant : c'est un succès total. Johnny Hallyday en recevra même une pour ses 20 ans.
Non, il n'a pas le permis au moment de la photo
Image : Essai auto
En 1961, la TR4 fait une entrée fracassante sur la marché. Sa carrosserie est dessinée par l'italien Giovanni Michelotti et le roadster est équipé d'un moteur 2,2 litres et d'une boîte de vitesses synchronisées. La TR4 signe le sommet de la gamme des Triumph Roadster. Après elle, sortent la TR5 et la TR6, qui fut dessinée par Karmann - celui qui a produit la coccinelle. Cependant les années 1970, et le lot de nouvelles normes de sécurité qu'instaurent les Etats-Unis durant cette période oblige le groupe à se rabattre sur des modèles moins audacieux, moins rapides et techniquement moins évolués, à l'image des TR7 et TR8 équipées de toits en dur.
L'intégration au groupe Leyland
Standard-Triumph fut racheté en 1961 par Leyland Motor Corporation, alors spécialisé dans les bus et camions de chantier. Commence une période de diversification pour la marque Triumph, considérée comme trop dépendante de sa gamme de roadsters.
Triumph sort ainsi la Spitfire, qui n'était alors qu'un projet presque remisé. La voiture est considérée comme une alternative économique aux TR. Sportive, elle concurrence la MG Midget et la Austin-Healey Sprite. Pourtant, en 1968, Leyland fusionne avec un grand groupe automobile, BMC, et Triumph se retrouve en concurrence interne avec MG et Austin.
Image : Spridgetguru
L'aventure Triumph prend alors un mauvais tour, au fil des normes antipollution et sécuritaires de plus en plus strictes. Elles entachent ce qui faisait l'essence de la marque : son côté aventureux et élégant, généreux et sportif. Les voitures sont maintenant équipées de pare-chocs en caoutchouc, les moteurs sont bridés par les dispositifs anti-pollution... Triumph souffre aussi de la concurrence et sombre en même temps que British Leyland. Plus tard, BMW, après avoir racheté Rover décide de reprendre les droits de la marque automobile.
Aujourd'hui
Aujourd'hui, Triumph est une marque d'automobiles disparue tandis que son ancienne branche à deux roues, sacrifiée dans les années 30, est florissante. Il n'y aura vraisemblablement plus d'usine automobile Triumph, rendant les véhicules aujourd'hui en circulation d'autant plus précieux. Au moment où Triumph était dans son "moment TR", les motos Triumph battaient le record du monde de vitesse sur le lac Bonneville et transformaient l'essai sur le reste du XXème siècle. Là où la voiture a perdu, dans les années 70, ce qui la caractérisait - son côté sportif et élégant - les motos Triumph n'ont jamais cédé ni sur la qualité du moteur ni sur la générosité de leurs lignes. C'est peut-être cet entêtement à rester égale à elle-même qui a permis à la branche moto d'atteindre aujourd'hui cette ampleur et de perpétuer le savoir-faire Triumph.
La Triumph Rocket III, la moto la plus puissante de la marque
Image : le Repaire des motards